A69 : le Sénat force la reprise, les opposants annoncent une bataille juridique

À l’heure où les pelleteuses se sont figées et où les écologistes affûtent leurs recours, le Sénat vient de voter un texte qui pourrait bien faire date. Derrière un jargon parlementaire aux allures de procédure d’urgence, une bataille bien plus profonde se joue pour la relance du chantier de l’A69.

Adelaide Motte
By Adélaïde Motte Published on 15 mai 2025 15h01
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A69 : le Sénat force la reprise, les opposants annoncent une bataille juridique - © PolitiqueMatin

L’A69, un chantier suspendu, une loi accélérée

Jeudi 15 mai 2025, le Sénat a adopté à une écrasante majorité (252 voix contre 33) une proposition de loi dite « de validation » pour relancer le chantier de l’autoroute A69, cette infrastructure de 53 kilomètres censée relier Castres à Toulouse. Suspendu depuis février 2025 par une décision du tribunal administratif de Toulouse annulant les arrêtés environnementaux, le projet pourrait désormais redémarrer sous la protection législative. Un renversement de situation ? Non, un passage en force.

« Cette loi est un acte de responsabilité, de cohérence et de justice territoriale », a clamé la sénatrice Marie-Lise Housseau (Horizons), en fustigeant une « atteinte au développement du Tarn ». Pour justifier cette relance, le texte s’appuie sur la notion de « raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM), un motif qui permet de déroger aux contraintes environnementales si l’utilité publique est jugée supérieure aux dommages écologiques.

Le chantier, entamé en 2023, devait s’achever en 2025. Le couperet judiciaire est tombé en février, laissant à l’arrêt ouvriers, engins et ambitions locales. Philippe Folliot, sénateur du Tarn, dénonce une « situation ubuesque » : « 1 000 personnes ont perdu leur emploi du jour au lendemain ».

A69 : au Sénat, entre validation expresse et opposition écologiste

L’urgence est-elle justifiée ? Pour Franck Dhersin, rapporteur du texte et sénateur Horizons, cela ne fait aucun doute. Il évoque sans détour « les conséquences dramatiques d’un arrêt du projet ». Dans l’hémicycle, le ton monte. Ronan Dantec (EELV) alerte sur une dérive grave : « Le législateur crée un précédent grave en tentant d’influencer une Cour de justice ». Sa motion d’irrecevabilité ? Rejetée sèchement.

Jacques Fernique, autre sénateur écologiste, y voit « une initiative qui fait primer une volonté politique sur l’État de droit ». Quant à Hervé Gillé, sénateur socialiste, il dénonce un texte qui « envoie un message trouble, celui d’un Parlement qui interviendrait pour sauver un projet en difficulté juridique ».

Mais le camp opposé est déterminé. Les partisans du projet, qu’ils soient centristes, LR ou Horizons, chantent les vertus du désenclavement. À Castres-Mazamet, bassin de 100 000 habitants sans autoroute ni gare TGV, la promesse de l’A69 reste un symbole. Un mirage ou une nécessité ?

Une autoroute controversée, un soutien assumé du gouvernement

Sans jamais s’exposer directement, l’exécutif a laissé filtrer son appui. « La position du gouvernement n’est plus à prouver sur la nécessité de cette autoroute », a rappelé le ministre délégué aux Transports, Philippe Tabarot. Même prudence apparente du côté de la porte-parole Sophie Primas : « Le gouvernement apporte son soutien » tout en adoptant « un avis de sagesse » au Sénat, pour « ne pas interférer dans la procédure juridictionnelle ».

À défaut d’appuyer formellement la loi devant la Haute Assemblée, l’exécutif ne cache pas son souhait d’une reprise rapide du chantier. Un recours devant la cour administrative d’appel de Toulouse sera examiné le 21 mai, tandis que l’Assemblée nationale doit se prononcer sur la loi le 2 juin.

Des contradictions législatives en pleine lumière

L’argument du désenclavement, pilier du discours pro-A69, n’échappe pas à la critique. En 2019, le Sénat — avec les voix de plusieurs actuels défenseurs du projet — avait cependant affirmé que « le bassin de Castres-Mazamet ne souffre pas d’un enclavement au sens législatif ». La députée Christine Arrighi ironise : « Le désenclavement est devenu un mot magique pour les défenseurs de l’autoroute ».

Pour les écologistes et juristes, ce texte ne vise rien d’autre qu’à neutraliser une décision judiciaire. Ronan Dantec l’affirme : « Le Conseil constitutionnel sera évidemment saisi ». Plusieurs groupes parlementaires de gauche se préparent à cette bataille finale, estimant que cette loi, bien que courte, crée un précédent « très grave ».

Une bataille judiciaire à venir, une fracture politique ouverte

Le débat ne s’arrêtera pas aux portes du Sénat. L’Assemblée nationale, qui examinera la loi dès le 2 juin, pourrait bien confirmer ce passage en force, sauf si le Conseil constitutionnel en décide autrement. D’ici là, les opposants au projet prévoient de multiplier les actions, y compris sur le terrain.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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