Faut-il compter uniquement sur les instruments de politique publique pour réduire les coûts d’acquisition d’un logement ? Fiscalité favorable à l’investissement locatif, aide à l’acquisition par des prêts à taux zéro, libération du foncier, réhabilitation de logements dégradés, reconversion de locaux professionnels en logements, mais aussi simplification des normes. Tour d’horizon des différents moyens permettant de faciliter l’accession à la propriété. Sans oublier tout ce qui peut permettre de réduire les coûts de construction eux-mêmes.
La production française de logements est notoirement insuffisante et les besoins à satisfaire restent très importants, ce qui est un facteur de tension des prix dans les zones urbaines les plus denses. Résultat, beaucoup de ménages français ont du mal à devenir propriétaires. C’est pourquoi la puissance publique essaie d’agir. Le dernier plan de soutien au logement présenté par le Gouvernement en septembre 2017 maintient, malgré des restrictions, les principaux dispositifs en place : le « Pinel » pour stimuler de l’investissement locatif et le PTZ (Prêt à Taux Zéro) pour aider les primo-accédants dont l’apport initial est faible (1). De telles mesures, bien qu’utiles, ne suffisent pas à relancer l’accession à la propriété des Français les moins nantis. D’autres voies méritent d’être explorées.
Intensifier l’offre de logement
L’autre volet indispensable est de proposer plus de logements abordables, notamment dans les zones tendues. Le Gouvernement a pour objectif de libérer l’accès au foncier et de lever ainsi un des freins à la construction de logements (sociaux, intermédiaires ou libres). Le moyen choisi devrait prendre la forme d’une exonération d’imposition de la plus-value pour toute parcelle cédée en vue d’y construire du logement (2). A la suite de la loi Alur de 2014, et des décrets d’application de mai 2017, le bail réel solidaire (BRS) va aussi dans ce sens. Le principe est simple : un ménage est propriétaire de sa maison, mais est locataire de son terrain via un bail réel solidaire (BRS) contracté auprès d'un organisme foncier solidaire (OFS). Le premier BRS a été signé récemment à Lille en février 2018 (3).
Il est également primordial d’encourager la réhabilitation de logements dégradés, dont une partie est aujourd’hui vacante. La mairie de Roubaix a pris récemment une initiative originale pour redonner vie à certains quartiers de la ville laissés à l'abandon. Elle propose à la vente des habitations en mauvais état pour le prix symbolique d'un euro ; en contrepartie les acquéreurs s’engagent à les rénover et à y habiter au moins six ans (4). La reconversion de locaux professionnels et de bureaux en logements est aussi une pratique de plus en plus courante, compte tenu du volume considérable de bureaux vides (près de 800 000 m2, soit 5% du parc tertiaire parisien en 2014). L’immeuble « Nuages » dans le XIIIe arrondissement de Paris est un exemple réussi de transformation en ce sens (5).
Faire baisser les coûts de construction
La simplification des normes peut contribuer à faire baisser les coûts de construction. Le niveau de performance énergétique a une incidence sur le prix, l’application de la réglementation thermique RT 2012 s’accompagnant par exemple d’une hausse estimée des prix de l’ordre de 10 à 15 %. Les professionnels de l’immobilier souhaitent unanimement que ce mouvement de simplification s’amplifie. Toujours sur un plan « administratif », les nouvelles formes d’habitat participatif, bien que marginales à ce jour, peuvent également offrir dans l’avenir un potentiel non-négligeable de réduction des coûts de construction (6).
Reste les possibilités d’ordre technique pour réduire directement les coûts de construction (ces derniers représentant en moyenne plus de 60% du coût global d’un projet de construction), à savoir par exemple construire selon des procédés de construction modulaires industrialisables. Ces procédés reposent tous sur une logique consistant à assembler sur le chantier de construction des éléments modulaires préfabriqués en usine. Des entreprises, grandes ou petites, jouent sur les paramètres clés pour obtenir le meilleur rapport qualité-prix : modules préfabriqués, rapidité de construction, possibilité de personnalisation. Qu’il s’agisse de béton, de bois, ou même de carton, de nombreux procédés voient le jour, plus ou moins industrialisés, plus ou moins personnalisables, plus ou moins économiques, plus ou moins « design » … Parmi elles, Logelis, une jeune entreprise industrielle de la Drôme, par la voix de son créateur, Renaud Sassi, affiche la couleur : « Nous voulons baisser significativement les coûts de construction, permettant aux gens de devenir propriétaires » (7). Comment ? Il explique son système constructif innovant : « Des panneaux composites isolants, simples à construire et à poser. Un maximum de travaux se fait en amont dans notre usine, comme l’intégration des portes, des fenêtres ou de l’électricité. Cela permet d’éviter de faire des interventions de second œuvre sur site, ce qui est une garantie de qualité et de sécurité » (8). L’idée originale du concept de Logelis repose sur un transfert de process de production : Renaud Sassi s’est en effet inspiré de l’industrie automobile pour imaginer une façon plus efficace de construire, à partir d’éléments de structures standardisés (mais personnalisables) qu’il suffit d’assembler sur le site de construction. Le principe a déjà fait ses preuves à l’étranger dans le cadre d’opérations de reconstruction à but humanitaire ou de fournitures d’habitats d’urgences. Le concept est désormais décliné en France, sur la base de panneaux aux performances énergétiques optimales, pérennes et conformes à la RT 2020, et avec des délais d’assemblage et de montage minimes. Le tout présente également moins de risques d’erreur et de malfaçon, car l’essentiel du travail est réalisé en usine.
Des acteurs de tout style
A l’instar de Logelis, d’autres acteurs de la construction modulaire montent désormais au créneau, chacun avec ses solutions propres pour réduire le prix de la construction à performances techniques équivalentes. Portakabin réalise ainsi des constructions provisoires en structures préfabriquées, du simple bâtiment autonome au complexe à plusieurs niveaux, à l’achat et à la location, pour toutes les utilisations : entrepôts, bureaux, éducation, santé, points de vente, sanitaires... Elle propose un système modulaire qui, promet-elle, permet de livrer une salle de classe sous 72 heures, tout en offrant des normes de confort identiques à celles de bâtiments classiques (9). Des acteurs puissants, comme GA Smart Building, misent sur la dimension industrielle dans la promotion-construction de bureaux et de logements avec des solutions « smart et connectées » (10). D’autres parient sur la construction modulaire appliquée à des extensions de surface habitable sans être obligés de déposer un permis de construire – ce qui est, au demeurant, une tendance émergente.
Quels que soient les matériaux utilisés, ces bâtiments modulaires sont faciles à réaliser, peu chers, et d’une qualité en progrès constant pour ce qui est de l’esthétique et du confort. Avec Greenkub, la cabane de jardin se transforme en bureau ou en studio de charme (11). De même « les maisons de papier » (Wikkelhouse en néerlandais), bâtisses design et écolo en carton recyclé proposées par Fiction Factory, sont d’un bel effet, tout en étant conçues pour durer (12). Des acteurs régionaux traditionnels investissent aussi dans le modulaire durable. Les maisons Booa en sont une illustration : le groupe Burger, spécialiste des chalets en bois alsaciens, a ainsi injecté 10 millions d’euros pour produire dans son usine 1 000 maisons par an et propose aujourd’hui des modèles de maisons en bois de qualité « design » qui sont « personnalisables à 100% » (grâce à une application permettant de visualiser les maisons sur leur site d’implantation) et qui peuvent être « posées en 24 heures », avec un prix de sortie entre 1 300 et 2 000 euros au m2 (13).
Le marché ne se limite pas aux maisons ou aux petits immeubles. Des constructions de grande envergure voient aussi le jour dans le monde entier. Jusqu’à maintenant New-York détenait la palme de l’immeuble préfabriqué le plus haut, avec 32 étages. La place lui sera bientôt ravie par Londres, où deux tours résidentielles de 38 et 44 étages vont être bâties au 101 George Street à Croydon selon les principes de la construction modulaire (14).
Le mouvement est donc bel et bien lancé. Reste à savoir à quelle vitesse ces procédés vont se démocratiser. Car s’ils permettent de produire des logements plus vite et à un coût moindre, ils obligent aussi à repenser l’organisation et les process dans le BTP… De quoi faire réfléchir les acteurs de la filière, publics comme privés, encore très conservateurs.
(1) https://www.anil.org/fileadmin/ANIL/Etudes/2017/consultations_financieres_adil_2016.pdf
(2) https://www.la-croix.com/Economie/France/Logement-choc-doffre-promis-gouvernement-2017-09-20-1200878388
(3) https://www.caissedesdepotsdesterritoires.fr/cs/ContentServer?pagename=Territoires/Articles/Articles&cid=1250279141052
(4) https://bfmbusiness.bfmtv.com/votre-argent/la-ville-de-roubaix-met-en-vente-des-maisons-a-1-euro-1394646.html
(5) https://immobilier.lefigaro.fr/article/voici-comment-des-bureaux-ont-ete-reconvertis-en-logements-a-paris_8916cf66-51db-11e7-9aa8-d9123e1e563e/
(6) https://www.mon-immeuble.com/actualite/ofildesvoisins-l-habitat-en-mode-participatif
(7) https://www.midilibre.fr/2017/09/14/une-maison-neuve-ecolow-cost-de-qualite-de-100-m2-pour-116-000-euros,1560649.php#4eK6PrTeA9Ud5p4w.99
(8) https://www.journaldeleconomie.fr/Comment-Logelis-exporte-une-nouvelle-vision-de-l-habitat_a3759.html#oQMVL0XcCpGtJMJK.99
(9) https://www.portakabin.fr/?g=ppc&ppc_keyword=portakabin&gclid=EAIaIQobChMImdTf4_y02QIVwrvtCh0GTQMjEAAYASAAEgLD_fD_BwE
(10) https://www.ga.fr/ga-smart-building
(11) https://www.capital.fr/immobilier/greenkub-une-maison-dans-votre-jardin-en-48-heures-1240037
(12) https://www.masculin.com/lifestyle/13463-maison-carton-wikkelhouse/
(13) https://www.batiactu.com/edito/une-maison-en-bois-montee-en--un-jour--40456.php
(14) https://www.constructionenquirer.com/2018/01/31/deal-to-start-worlds-tallest-modular-towers-in-croydon/