L’avenir de l’euro et l’argent des autres

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Par Simone Wapler Modifié le 26 juin 2015 à 10h46
Crise Zone Euro Avenir Monnaie Unique

Il n’est pas sûr que l’euro survive dans sa forme actuelle faute d’accord des peuples sur la solidarité. La hausse des rendements obligataires va probablement jeter de l’huile sur les braises d’un feu qui couve depuis 2008.

D’un côté, les buveurs de bière. Plutôt respectueux des règles, habitués à une monnaie forte, à exporter des produits et services à forte valeur ajoutée et à épargner ; Hollandais, Wallons, Allemands, Autrichiens et Luxembourgeois prennent l’argent au sérieux. On le gagne avant de le dépenser. Quand on s’endette, ce n’est pas pour consommer et on rembourse. La fourmi est – vous l’avez compris - buveuse de bière.

De l’autre côté, les buveurs de vin. Habitués à une économie tournant sur la consommation locale, aux dévaluations et à une monnaie faible. Pour les Français, Italiens, Espagnols, Portugais, Grecs, les règles sont faites pour être contournées à des degrés divers (voire violées pour les Grecs) et plaie d’argent n’est point mortelle. La cigale est buveuse de vin.

La cigale est du Sud et ce n’est sans doute pas un hasard. Désargentée, elle ne craint pas l’onglée et ne mourra pas de froid. Plutôt intellectuelle et artiste, la cigale pense qu’elle peut se permettre de vivre au jour le jour et que la bise venue, l’argent des autres fera l’affaire.

Bière, vin et gueule de bois

Les technocrates ont mélangé sans vergogne bière et vin, cigales et fourmis pour créer l’euro. Mais la monnaie est une affaire compliquée, Socrate et Platon en débattaient déjà. Qu’est véritablement une monnaie comme l’euro ?

Hormis l’euro, toute monnaie est garantie par un État et représente une promesse de payer à qui présente une créance. Derrière les États se trouvent les contribuables et la véritable garantie de la monnaie est l’impôt. Dans une démocratie qui fonctionne, les impôts sont débattus puis votés.

Une monnaie pour l’étranger se résume à un taux d’intérêt

Un banquier central qui a des « réserves de change » en euros, parce que son pays a vendu à crédit à un des pays de la zone euro, ne détient pas des liasses de billets. Il détient des obligations souveraines qui lui procurent un intérêt et le prémunissent contre une « perte de change ». S’il se méfie ou pense que l’euro va baisser, il veut plus d’intérêts.

Lorsqu’un banquier central stocke des dollars, il le même intérêt pour du dollar du Texas ou de l’Ohio. Les différences de rendements obligataires en zone euro montrent que l’euro n’existe déjà plus.

Rendements des obligations à 10 ans

Les pays des buveurs de vin, les plus lourdement endettés, payent deux fois plus cher en intérêts. C’est le prix du cumul des déficits qui financent leur protection sociale, la solidarité dit-on maintenant.

Austérité versus solidarité et gueule de bois

L’austérité est naturelle aux buveurs de bière : on redistribue ce qu’on a, seulement cela ; ils ont forgé les premiers systèmes d’assurance sociale sous Bismarck en étant sourcilleux de leur financement. Les buveurs de vin, eux se réclament de la solidarité et la financent à crédit, sans recourir à l’impôt. La solidarité n’a pas besoin du consentement des urnes…

Monnaie, dette, solidarité et impôts tout est lié

La restructuration des dettes est inévitable. Mais c’est la restructuration de la « solidarité » des cigales, à la racine des déficits et la dette future qui est en jeu. Cette question échappe aux technocrates et appartient au champ politique. Le recours à la dette pour financer les systèmes sociaux s’étant généralisé, tout débat et vote sur les impôts correspondant a disparu. Les cigales ne vivent plus que dans un simulacre de démocratie. « Ça ne coûte rien, c’est l’État qui paye » disait par exemple François Hollande parlant des « emplois d’avenir » en novembre 2014. Les fourmis savent qu’il n’y a pas d’argent gratuit. Les cigales pensent toujours pouvoir faire avec « l’argent des autres ». C’est pourquoi l’avenir de l’euro est compromis.

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers.Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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