L’Inde menace le Pakistan d’une guerre de l’eau

Alors que les tensions atteignent un niveau alarmant entre l’Inde et le Pakistan, une annonce fracassante du Premier ministre indien Narendra Modi vient rebattre les cartes : New Delhi compte couper les eaux des fleuves vitaux qui irriguent son voisin. La diplomatie vacille, les fusils frémissent, l’Indus s’assèche.

Adelaide Motte
By Adélaïde Motte Published on 7 mai 2025 13h44
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L’Inde menace le Pakistan d’une guerre de l’eau - © PolitiqueMatin

La rupture hydrique : nouvelle arme géopolitique de l’Inde

Le 6 mai 2025, Narendra Modi a déclenché un véritable séisme diplomatique en déclarant lors d’un discours : « l’eau appartenant à l’Inde s’écoulait jusque-là vers l’extérieur, elle sera désormais stoppée pour servir les intérêts de l’Inde et sera utilisée pour le pays ». Cette déclaration vise directement le Pakistan, qui dépend du réseau fluvial issu du Cachemire pour nourrir sa plaine agricole du Pendjab.

Derrière cette posture belliqueuse se cache un tournant stratégique : l’Inde a suspendu unilatéralement le traité des eaux de l’Indus, signé en 1960. Cet accord historique, négocié avec la médiation de la Banque mondiale, répartissait l’usage des six fleuves du bassin himalayen entre les deux pays. À l’Inde les rivières orientales (Ravi, Beas, Sutlej), au Pakistan les rivières occidentales (Indus, Jhelum, Chenab). Un équilibre fragile mais respecté depuis plus de soixante ans, et que New Delhi vient brutalement d’anéantir.

Pourquoi maintenant ? Parce qu’un attentat survenu le 22 avril 2025 à Pahalgam, haut-lieu touristique du Cachemire indien, a fait 26 morts. L’attaque, non revendiquée, a été immédiatement attribuée par l’Inde à des groupes soutenus par Islamabad. Le Pakistan a catégoriquement nié toute implication. Trop tard : l’onde de choc est en marche.

L’Inde et le Pakistan : deux puissances nucléaires au bord de l’affrontement

« On a remarqué des changements sur le Chenab qui n’ont rien de naturel (...) le débit du fleuve, normal, a été considérablement réduit du jour au lendemain », a dénoncé Kazim Pirzada, ministre pakistanais de l’Irrigation du Pendjab. Cette baisse brutale du débit d’un des trois fleuves pakistanais protégés par le traité de 1960 est perçue comme un acte de sabotage. Islamabad ne mâche pas ses mots : toute altération sera considérée comme « un acte de guerre ».

Ce n’est pas qu’un effet d’annonce. Depuis l’attentat de Pahalgam, des échanges de tirs à l’arme légère ont été observés chaque nuit le long de la ligne de contrôle au Cachemire. Le Pakistan a effectué deux tirs de missiles à moyenne portée, tandis que l’Inde a entamé des exercices de défense civile d’envergure.

Pire : selon le HuffPost, New Delhi aurait mené des frappes de missiles contre des « infrastructures terroristes » sur le sol pakistanais. Une riposte militaire que l’Inde assume, et que le Pakistan qualifie de provocation pure et simple. Plusieurs victimes civiles sont à déplorer de part et d’autre.

Des fleuves sous tension : la guerre de l’eau est-elle inévitable ?

Le Pendjab pakistanais concentre près de 120 millions d’habitants, soit la moitié de la population du pays, et constitue le cœur agricole du Pakistan. Réduire l’accès à l’eau des rivières reviendrait à étrangler l’économie locale, provoquer des pénuries alimentaires, et menacer directement la stabilité intérieure. Selon le Jinnah Institute, même des variations de calendrier dans les lâchers d’eau – sans parler d’un blocage total – « peuvent perturber la saison des semis et réduire les rendements agricoles ».

Or, le traité de 1960 interdisait formellement toute altération du volume d’eau en aval. En rompant cet engagement, l’Inde transforme un différend militaire en crise environnementale aux proportions géopolitiques.

La communauté internationale, bien que prudente, commence à réagir. Les États-Unis ont exprimé leur inquiétude et appelé à une « résolution responsable ». L’ONU, par la voix d’António Guterres, a exhorté les deux puissances à « s’éloigner du précipice ». L’Iran a même envoyé un émissaire en mission de médiation.

Mais ces appels à la retenue ne suffisent plus à masquer la réalité : la logique de la dissuasion semble avoir cédé la place à celle de l’intimidation.

L’Inde dans une stratégie de rupture diplomatique

Ce qui frappe dans cette crise, ce n’est pas seulement l’escalade militaire, mais la méthode choisie par l’Inde. Plutôt que d’opter pour des sanctions ciblées, Narendra Modi a ouvert un front hydrique. Un levier silencieux, lent, mais implacable. En d’autres termes, il a fait de l’eau un instrument de guerre.

Pourquoi ce choix ? Parce que l’arme hydraulique permet de frapper sans tirer, de priver sans bombarder, de menacer sans violer explicitement le droit international. C’est une guerre discrète, mais totale. Et c’est précisément ce qui la rend si dangereuse.

Le Pakistan, déjà en proie à des difficultés économiques, ne peut se permettre une guerre prolongée ni une sécheresse agricole. L’Inde le sait. En suspendant le traité, elle rompt une tradition de coopération multilatérale et impose une relation de force.

La guerre de l’eau : premier acte d’un conflit mondial à venir ?

Ce bras de fer entre l’Inde et le Pakistan illustre une tendance inquiétante : les conflits du XXIe siècle seront aussi des conflits pour l’accès aux ressources naturelles. Le traité de 1960 était souvent cité comme exemple de coopération durable entre ennemis géopolitiques. Sa suspension marque la fin d’une époque.

Et si l’Inde finit par bloquer durablement le débit des fleuves occidentaux, le Pakistan pourrait bien répondre par des actes désespérés. La crise actuelle, loin d’être un simple contentieux bilatéral, pourrait ouvrir la voie à un affrontement régional à dimension planétaire.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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