La désertification médicale est un phénomène qui touche particulièrement le secteur de l’optique. Les professionnels s’en inquiètent depuis plusieurs années : l’accès aux soins visuels devient très difficile pour certaines populations. Yves Guénin, le Secrétaire général d’Optic 2000, fait le point sur la situation aujourd’hui, ainsi que sur les perspectives, et les enjeux, de ce sujet d’actualité.
Il y a un an, le SNOF, Syndicat National des Ophtalmologues de France, lançait à l’approche de l’élection présidentielle une campagne « Objectif zéro délai d’attente en 2022 ». Où en est-on aujourd’hui ?
La préoccupation des professionnels du secteur est légitime. Les derniers chiffres font état d’un délai d’attente moyen de 87 jours pour obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmologue – une durée qui augmente régulièrement. C’est déjà très long, mais les disparités régionales sont plus préoccupantes encore. L’attente peut monter jusqu’à un an, et, pire encore, on estime qu’un quart des ophtalmos ne prend plus de nouveaux patients ! Dans la réalité du quotidien des patients, cela signifie qu’il faut patienter plusieurs mois pour espérer voir un médecin, quand il ne faut pas, en plus, parcourir des dizaines de kilomètres, pour en trouver un qui accepte de vous recevoir…
Les problématiques de désertification médicale sont donc toujours d’actualité. L’optique n’est d’ailleurs pas la seule concernée : le dernier arrêté de novembre 2017 établissant la carte des déserts médicaux montre que le phénomène continue à s’amplifier.
Comment la situation va-t-elle évoluer dans le secteur de l’optique ?
Chaque année, on compte plus de départs en retraite d’ophtalmologues, que d’arrivées de nouveaux praticiens. Leur moyenne d’âge augmente. Et leur répartition sur le territoire reste inégale, et non compensée par les nouvelles installations. Parallèlement, plus de 3 français sur 4 ont aujourd’hui une correction optique. La myopie progresse, et le vieillissement de la population augmente également le niveau de la demande en soins visuels.
C’est pourquoi pour répondre aux besoins des patients, à court terme, il est absolument nécessaire de faire appel à des professionnels de santé partenaires. Car c’est un atout considérable de notre secteur : nous disposons de relais de proximité, opticiens, et orthoptistes également, plus nombreux, plus accessibles, qui peuvent se mettre au service des patients. Pour cela, il faut s’appuyer sur un système de délégation de compétences, qui commence déjà à prendre forme.
En quoi consiste cette délégation de compétences ?
Il s’agit de confier certaines tâches à d’autres professionnels de santé, compétents, formés… et disponibles. Elle doit bien sûr être strictement encadrée, pour définir les responsabilités et champs d’action de tous, et garantir la qualité des soins.
Plusieurs textes de loi ont ouvert la voie en la matière dans notre secteur. Les partenariats entre orthoptistes et ophtalmologues se multiplient ainsi en cabinet, autour notamment de « contrats de coopération » pour les soins visuels, qui déchargent les ophtalmos de certains actes. Cela permet d’améliorer l’accueil et le suivi des patients.
Mais l’opticien est également un relai de santé important dans le parcours de soins visuels des français. Dans certains territoires, il est même le dernier professionnel de santé accessible ! Ses prérogatives ont d’ailleurs été élargies avec la publication fin 2016 du « décret opticiens ». Les durées de validité des ordonnances ont été allongées, et durant cette période, l’opticien, après examen, peut adapter la correction visuelle du patient. Il est désormais autorisé également à délivrer des équipements visuels de façon exceptionnelle, en cas de perte ou de casse.
Ce sont des mesures concrètes et efficaces pour désengorger les cabinets des médecins, qui permettent d’offrir aux patients la proximité, la réactivité, la qualité de service et le professionnalisme qu’ils peuvent légitimement attendre. Renforcer la délégation de compétences est l’une des pistes évoquées par le gouvernement pour résoudre le problème de l’accès aux soins, et c’est une bonne option.
Les opticiens sont-ils formés pour jouer ce rôle de partenaire de santé aux côtés des ophtalmologues ?
La formation des opticiens recouvre bien les dimensions techniques des actes qu’ils doivent réaliser : montage et adaptation des équipements – c’est leur cœur de métier - ; et examens de réfraction pour adapter les corrections. Chez Optic 2000, nous disposons en outre d’un centre de formation continue pour nos opticiens, et avons choisi de faire certifier nos points de vente « Qualité en optique » par l’AFNOR, pour garantir à nos clients un niveau de qualité de service constant, et élevé. Nous considérons qu’il en va de notre responsabilité d’acteur de santé… Et que c’est aussi important pour nous crédibiliser auprès de nos partenaires.
Mais je pense aussi, à l’instar d’autres acteurs de notre filière, que pour poursuivre sur la voie de la délégation de compétences, et pour valoriser la formation et les compétences de nos opticiens, il est souhaitable de repenser leur formation initiale (Bac+ 2 aujourd’hui), vers un diplôme Bac+3 et Bac+5, qui leur permettrait d’approfondir leur cursus médical et technique, et de développer leurs compétences sur certaines pathologies. C’est un levier pour améliorer encore la prise en charge des patients.
Si les délais d’attente sont la première cause de renoncement aux soins dans l’optique, le problème du coût en est autre… Que pensez-vous de l’objectif du gouvernement, qui vient de lancer une concertation à ce sujet, d’atteindre un reste à charge zéro en optique et audioprothèse avant 2022 ?
L’intention est louable… Mais il faudra être attentif à ce que cela ne se fasse pas au détriment des soins, et ne favorise pas l’émergence d’une optique « low-cost » tant en termes de produits, que du service… Si la solution retenue est celle de l’encadrement des prix, on pourrait y perdre en qualité !
D’autant que chez Optic 2000, nous proposons déjà des gammes à petits prix, et avons mis en place le programme « Objectif zéro dépense » : l’opticien s’engage à proposer au client au moins un devis avec un reste à charge nul. C’est au client de choisir ensuite. Ces offres sont aujourd’hui compatibles avec des produits de qualité, et un service professionnel. Si les règles de remboursement devaient changer, il faudra qu’elles soient en mesure de maintenir ces essentiels…