Lutte contre le travail dissimulé dans le BTP : nouveaux outils et bonnes pratiques

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Par Rédaction Modifié le 8 mars 2018 à 10h27
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50%50% des redressements prononcés pour travail au noir concernaient le BTP en 2016

Depuis octobre 2017 la Carte BTP est obligatoire pour un certain nombre d’activités sur les chantiers de construction, renforçant le dispositif de contrôle en matière de travail illégal. Les maîtres d’ouvrage s’en félicitent et veillent au grain.

Le secteur du bâtiment et des travaux publics est souvent montré du doigt en ce qui concerne le travail dissimulé. En 2016, le BTP représentait à lui seul plus de 50% des redressements prononcés pour travail au noir (1).

En Île-de-France, de l’avis général des professionnels de la construction, les chantiers du Grand Paris et des JO de 2024 vont entraîner un afflux de travailleurs détachés, les entreprises de BTP étant contraintes de gérer au mieux les variations d’activité. Cela veut dire que la question du respect de la réglementation en la matière ne manquera pas de se poser.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Les inspecteurs de l’URSSAF peuvent réaliser des contrôles inopinés sur les chantiers. En cas de délit, outre un redressement sévère, les entreprises s’exposent à des sanctions pénales alourdies et à des sanctions administratives pouvant aller jusqu’à la fermeture temporaire de l’entreprise.

Une association d’entreprises françaises, Le Cercle Lafay, attire d’ailleurs l’attention sur les excès dans ce domaine (2).
Autre son de cloche du côté de la Cour des comptes qui, dans son rapport rendu public le 7 février 2018, déplore la portée limitée des dispositifs de contrôle (3).

Une Carte BTP obligatoire pour faciliter les contrôles

Depuis octobre 2017, les salariés des BTP (qui accomplissent à titre professionnel des travaux figurant sur la liste mentionnée à l’article R.8291-1 du Code du travail) ont l’obligation de posséder une carte d’identité professionnelle sécurisée. Cette carte BTP comprend des informations sur l’identité du salarié, la date de délivrance de la carte et son numéro, un code permettant l’identification, les coordonnées de l’Union des caisses de France qui délivre la carte et une photo du salarié. Des informations relatives à l’employeur y figurent aussi : nom, numéro Siren… Enfin, elle contient certaines données spécifiques aux travailleurs intérimaires et détachés.

Pratiquement, cet outil permet de savoir très facilement si une personne a fait l’objet d’une déclaration en règle. Ce dispositif était très attendu par les professionnels. « La carte d’identification du BTP, est le meilleur moyen pour identifier qui est qui sur chantier et mettre, ainsi, un coup d’arrêt au travail illégal et à la concurrence sociale déloyale », assurait dès 2016 Jacques Chanut, président de la FFB (4).

Tous les employeurs du BTP sont donc dans l’obligation de déclarer l’embauche d’un salarié – et de payer une redevance – dans le but d’obtenir cette carte BTP, y compris les entreprises de travail temporaire et les employeurs établis hors de France détachant des travailleurs dans l’Hexagone.

Le maître d’ouvrage a une obligation de vigilance et de diligence

Les entreprises du BTP doivent aussi régulièrement fournir à leurs donneurs d’ordre de nombreux documents administratifs (Kbis, attestations d’assurance, certificats de qualification, l’autorisation de travail des salariés étrangers, etc), démarches qui peuvent nécessiter d’importantes ressources internes et prendre beaucoup de temps. Ces entreprises du BTP sont aidées dans cette tâche par les maîtres d’ouvrage.

Sur le plan juridique, les maîtres d’ouvrage (c’est-à-dire, le plus souvent les promoteurs-constructeurs) sont en effet donneurs d’ordre au sens de l’article 8222-1 et suivants du Code du travail. Ils sont à ce titre, dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, soumis à l’obligation de vigilance et de diligence envers leurs sous-traitants et doivent donc s’assurer que les entreprises qui interviennent sur le chantier sont effectivement en règle.

Gilles Imbert, directeur général d’un promoteur-constructeur indépendant actif en Île-de-France, Interconstruction, résume la situation en ces termes : « Nous n’avons pas directement recours à de la main d’œuvre détachée puisque nous sommes promoteurs et non entreprise de BTP. Certaines de nos entreprises et de nos sous-traitants peuvent y avoir recours et notre responsabilité est de les contrôler pour vérifier qu’ils respectent bien la législation en la matière » (5).

De bonnes pratiques préventives

« Pour prévenir les défaillances en matière de contrôle de la main d’œuvre détachée, nous avons une base de données interne via le site Attestation Légale, que nous imposons à toutes les entreprises pour chaque opération. Cela facilite la collecte des informations auprès des entreprises, sans toutefois remplacer le travail de vérification » ajoute Gilles Imbert, le directeur général d’Interconstruction. Car au-delà des aspects purement juridiques, les maîtres d’ouvrage assument un rôle de prévention et encouragent les sous-traitants à suivre quelques bonnes pratiques. « Nous passons beaucoup de temps à communiquer avec les entreprises pour les sensibiliser à la question de la main d’œuvre détachée et de son contrôle » insiste-t-il. De fait, qu’il s’agisse de Nexity, Interconstruction , Bouygues Immobilier ou Kaufmann & Broad, pour ne citer que quelques donneurs d’ordre très présents en Île-de-France, ces maîtres d’ouvrage tentent d’instaurer un état d'esprit pro-actif qui va plus loin que la simple conformité aux normes réglementaires.

La plupart des plateformes informatisées existantes proposent aujourd’hui un contrôle de conformité minimal. Les experts de la fonction achat préconisent d’enrichir ces référentiels fournisseurs, d’informations sectorielles non réglementaires telles que les certifications qualité, les attestations d’assurance, les habilitations des salariés des sous-traitants intervenant sur des sites sécurisés, etc.

La SNCF a déjà sauté le pas. Elle demande à ses fournisseurs, par exemple, de déposer et de mettre à jour en permanence les pièces exigées tout au long de la vie d’un contrat (qualification, réponse à une consultation, signature, exécution et paiement). Certains experts proposent d’aller encore plus loin en alimentant la base fournisseurs de données financières ainsi que celles liées à la RSE –responsabilité sociétale des entreprises (6).

Une évolution qui va dans le sens d’une responsabilité partagée entre donneurs d’ordre et sous-traitants.

(1) https://www.lemoniteur.fr/article/travail-illegal-le-btp-fait-figure-de-plus-mauvais-eleve-en-2016-34423143
(2) https://www.atlantico.fr/decryptage/cercle-lafay-nouveau-think-tank-pour-soutenir-entreprises-francaises-face-aux-abus-urssaf-3295413.html#MYWSbW0mZmc0pxcV.99
(3) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-01/09-lutte-contre-fraude-aux-cotisations-sociales-Tome-2.pdf
(4) https://www.lemoniteur.fr/article/carte-d-identification-obligatoire-des-salaries-du-btp-c-est-parti-31444962
(5) https://www.rse-magazine.com/Gilles-Imbert-directeur-general-d-Interconstruction-l-utilisation-de-la-main-d-oeuvre-detachee-et-de-la-sous-traitance_a2513.html#I0UZGB4ybwMpHPjc.99
(6) https://www.lemoniteur.fr/article/les-donnees-fournisseurs-au-service-de-l-obligation-de-vigilance-des-donneurs-d-ordre-32451860

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