PISA, RSI: les élites françaises et leur culture du déni

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 8 décembre 2016 à 9h44
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Pourquoi les élites françaises plongent-elles, année après année, leur propre pays dans une obsolescence suicidaire? Parce qu’au lieu de regarder la réalité de leurs insuffisances et de leurs défauts, elles préfèrent se murer dans une culture du déni, qui consiste à croire le roi habillé quand il est nu et qui permet de justifier une réaction nobiliaire. Cette dernière s’appuie sur un raisonnement simple: nous, les élites, ne devons rien changer à rien, car tout ne va pas si mal et nous sommes le dernier rempart avant la chienlit (entendez: le populisme, le fascisme, l’ultra-libéralisme, la casse sociale, etc.)

Prouver que tout ne va pas si mal (traduisez: halte au French Bashing!) devient une arme stratégique pour justifier l’immobilisme de l’ordre social et le maintien au pouvoir d’une élite out of date.

Les élites françaises et PISA: un déni

Premier exemple: l’enquête PISA qui, publication après publication, démontre sans état d’âme que l’école publique en France est incapable de préparer efficacement nos enfants à la concurrence internationale, et qu’elle est incapable d’améliorer ses performances, malgré des créations colossales d’emplois.

Le plus cruel, dans l’enquête PISA, ne tient même pas à la désespérante stagnation de l’école publique dans la compétition internationale. Il tient à la passivité des élites françaises face au constat répété tous les trois ans: l’école publique est un puissant outil de sélection sociale. Elle ne forme pas les meilleurs, elle forme les fils (et les filles) à papa. Or, si un argument justifiait la toute puissance de l’école publique en France, c’était bien celui de l’égalité des chances.

L’OCDE (bouh! les méchants libéraux!) a beau démontrer depuis plus de dix ans que l’école de la République est le meilleur antidote contre l’égalité des chances, rien n’y fait. On continue comme avant, et on se vante même de renforcer les moyens de cet instrument de sélection sociale. Au nom de l’égalité, bien sûr.

Les chiens de garde du déni

On lira donc sous la plume d’une fonctionnaire de l’Education Nationale, Marie Duru-Bellat, sociologue qui tourne en boucle sur le sujet depuis plus de dix ans, des phrases hallucinantes expliquant que PISA, c’est pas vraiment scientifique et qu’il ne faut pas vraiment prêter attention à cette étude:

Tout d’abord, comme toutes les données d’enquêtes, celles-ci sont inévitablement imparfaites. (…) Mais de fait, la difficulté majeure concerne les limites de données transversales, collectées à un moment donné, quand il s’agit d’évaluer et de piloter les systèmes éducatifs. Car les liens observés entre résultats des élèves et politiques éducatives ne sont instructifs à cet égard que si l’on est raisonnablement sûr qu’on a bien affaire à des relations causales. (…) Cela ouvre la porte à de multiples dérapages, les corrélations étant abusivement interprétées selon les préférences idéologiques de chacun.

Constater que l’école publique en France est un désastre n’est pas seulement une expérience évidente pour tous les parents qui y ont affaire. C’est aussi le résultat d’analyses internationales.

Mais pour tous ceux qui devraient faire l’effort de se remettre en cause pour changer cette situation, voire donner leur démission au vu de leur responsabilité dans ce naufrage, il vaut mieux nier les faits et expliquer que tout cela, c’est le produit de « dérapages » ou d’erreurs d’appréciation.

Un bon déni vaut tellement mieux qu’une mauvaise remise en cause…

Le RSI et le déni de la technostructure

Le même déni mortifère pour le pays est pratiqué par les élites françaises sur la question du RSI.

Rappelons que, historiquement, les indépendants ont toujours refusé d’être absorbé par un régime unique de sécurité sociale dont ils n’étaient pas demandeurs. Ce sont les conseillers d’Etat ministres du gouvernement Raffarin Bas et Dutreil qui l’ont imposé au nom de la simplification administrative.

Résultat: les entrepreneurs vivent un calvaire quotidien, dont ils n’ont absolument pas besoin en ces temps de crise, pour répondre aux demandes insanes d’un régime qui les assassinent les uns après les autres. Même la presse subventionnée se fait l’écho quotidien des souffrances infligées aux « assurés », qui mériteraient plutôt le titre de « menacés ».

Face à cette faute historique qui s’appelle la création du RSI, les élites françaises, qui sont essentiellement administratives et entendent implicitement faire rendre gorge à tous ces minables d’entrepreneurs qui se la pètent et échappent à leur contrôle, pratiquent un déni systématique: « Nous allons améliorer le RSI et préparer la fusion avec le régime général! »

Persévérer plutôt qu’innover

L’incapacité des élites françaises à adapter leur comportement à la réalité est devenu un problème critique pour l’avenir du pays. Face à cet autisme larvé mais constant, qui consiste à nier les évidences pour imposer sa pensée jusqu’au bout, les victimes du système n’ont plus qu’un choix: prôner des stratégies de rupture et rejeter en bloc un système qui vit à leurs dépens.

C’est à cette lumière qu’il faudra lire les présidentielles de 2017: celle d’une exaspération des industrieux face à une élite cramponnée à ses privilèges et bien décidée à faire dire au petit peuple celle qu’elle a envie d’entendre.

Ainsi disparaissent, un jour ou l’autre, les aristocraties.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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