L’élection française oppose les forces du centrisme au nativisme de l’aile droite de Marine Le Pen au Front National.
Toutefois, étant donné le fonctionnement du système français, les deux chefs de file semblent voués à une impasse et à des difficultés, même s’ils gagnent. Il existe une élection beaucoup plus importante pour les investisseurs que l'élection présidentielle, qui est en fait le vote législatif.
La France est-elle sur le point de devenir ingouvernable ?
C’est la première fois depuis 1981 que l'élection présidentielle française cause tant d'inquiétude parmi les investisseurs étrangers. L’indice d’incertitude de la politique économique de la France a atteint des sommets sans précédents tandis que le spread sur les obligations du pays a bondi à 60 points de base (alors qu'il était à environ 20 points de base seulement quelques mois auparavant). Après le Brexit et la victoire inattendue de Trump en 2016, les investisseurs craignent que le leader du Front National, Marine Le Pen, puisse défier les sondages et rendre l’impossible possible.
À bien des égards, la course présidentielle de 2017 est unique dans l'histoire moderne de la France. C’est la première fois que :
- Le président sortant ne se présente pas pour un second mandat en raison de sondages extrêmement mauvais et de la pression de se retirer provenant de son propre parti.
- Les deux partis traditionnels au pouvoir (le Parti socialiste et Les Républicains) ne sont pas automatiquement qualifiés pour le second tour selon les sondages.
- Le centre a une chance de gagner la présidence (environ 25 % des intentions de vote au premier tour). La dernière fois que cela s’est produit a été en 1974 lors de la victoire de Valéry Giscard d'Estaing.
- L’extrême droite et l’extrême gauche comptabilisent environ 40 % des intentions de vote au premier tour contre environ 34 % pour le Parti socialiste et Les Républicains. À l’heure actuelle, le populisme est le « parti » français le mieux classé.
- Deux candidats (François Asselineau de l'Union Républicaine Populaire, qui devrait recevoir environ 1 % des voix, et le chef de file Marine Le Pen) sont ouvertement en faveur du retrait de la France de l’Union Européenne.
La « Lepenisation » de la société française
En 2002, le candidat national de l’époque, Jean-Marie Le Pen, a surpris tout le monde en se qualifiant au deuxième tour de l’élection présidentielle avec 16,86 % des voix (devant le candidat du Parti socialiste). À cette époque, il n’avait aucune chance de devenir Président et effectivement, a échoué au second tour avec 17,79 % des voix. Quinze ans plus tard, sa fille Marine Le Pen, dispose d’une forte avance au premier tour (avec près de 27 % des intentions de vote) et pourrait obtenir jusqu'à 44 % des voix au second tour. Même en regardant les prévisions les plus optimistes sur le résultat de Marine Le Pen au second tour, nous pensons que le leader du Front national obtiendra encore entre deux à trois millions de votes de moins que le total requis pour la victoire, ce qui n’est pas une mince affaire.
En même temps, la progression de Mme Le Pen au cours de ces dernières années, est impressionnante et confirme la « Lepenisation » de la société française. Ce phénomène peut être expliqué par six facteurs majeurs :
- La « dédiabolisation », ou l’épuration des éléments du parti les plus à l’extrême droite, initiée par Marine Le Pen et qui a abouti à l’expulsion de Jean-Marie Le Pen en 2015.
- L’orientation idéologique du capitalisme vers l'étatisme et le protectionnisme.
- Le fait que le Parti socialiste ne représente plus la classe ouvrière. Dans un journal réputé, le parti pense que le groupe de réflexion Terra Nova a préconisé l'abandon de la classe ouvrière pour se concentrer sur la classe supérieure et les fonctionnaires.
- La fin de la stratégie traditionnelle de la droite poursuivie depuis longtemps et qui consiste à éviter de faire tout compromis ou accord électoral avec le Front National. Depuis 2007, la droite a radicalisé son discours (par exemple, avec la mise en place d’un « Ministère de l'identité nationale » de 2007 à 2010) pour pouvoir séduire les électeurs de l'extrême droite. Cette nouvelle stratégie a en grande partie échoué mais elle a permis de diffuser l’opinion du Front National dans la société française.
- L’augmentation de l'immigration du travail, de l’immigration clandestine et la crise des migrants.
- La perception de l'inégalité croissante en raison de la mondialisation et la désindustrialisation Il faut dire cependant que cette perception est contrecarrée par des chiffres qui montrent une contraction de l'indice Gini de la France de 0,29 ces dernières années. Dans une perspective à plus long terme, la part du revenu total détenue par les 1 % les plus riches, est passée de 40 % à la fin des années 30 à environ 8 % maintenant.