Quotient familial : ils n’ont rien compris !

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Par Jacques Bichot Modifié le 20 octobre 2016 à 13h36
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Les positions relatives à l’impôt sur le revenu des principaux candidats à la primaire de la droite montrent une fois de plus que cette composante de notre échiquier politique manque de leaders ayant des idées claires et fortes. La question est simple : doit-on considérer que le contribuable est un « foyer fiscal », ensemble de personnes unies par une forte solidarité, dont une dimension importante est la mise en commun de leurs revenus ? Il s’agit d’une question philosophique, d’une conception de la société, de la place de la famille au sein de la société, et non d’une question technique. La famille constitue-elle un corps intermédiaire que l’État doit reconnaître comme tel, ou s’agit-il d’un regroupement purement privé ?

La place du droit de la famille dans notre corpus juridique prouve que la France a opté depuis longtemps pour une reconnaissance de la famille comme corps intermédiaire, au même titre, par exemple, que l’entreprise. Sa reconnaissance en tant que débitrice de l’impôt sur le revenu est un point important de ce statut de la famille. Dès lors que ce principe est acquis, il ne reste plus qu’à trouver une règle de juste répartition du prélèvement fiscal, et la plus naturelle s’énonce : à niveau de vie égal, taux d’imposition égal.

Une fois ce principe accepté, il reste à préciser comment déterminer le niveau de vie. La méthode utilisée par les économistes et les sociologues consiste à calculer des « unités de consommation ». Si N est le nombre d’unités de consommation et R le revenu, le niveau de vie est donné par le quotient R/N.

Le fisc applique alors le barème de l’impôt progressif à ce quotient qu’il appelle « revenu par part de quotient familial », puis multiplie par le nombre de « parts » (d’unités de consommation) N. Tout cela est limpide comme de l’eau de roche … tant que l’on considère la famille comme un corps intermédiaire, interlocuteur du fisc en ce qui concerne l’impôt sur le revenu.

Le problème est que certains Français n’admettent pas que la famille soit reconnue comme corps intermédiaire, et donc comme contribuable. Ils estiment que seul l’individu, ou à la rigueur un couple d’adultes, est débiteur de l’impôt. Ils refusent de voir que, dans une famille, ce qui est pris par le fisc ampute le niveau de vie de l’enfant aussi bien que celui de l’adulte. Ils ont donc affirmé haut et fort que le système du quotient familial génère une réduction d’impôt. Ensuite, bien entendu, ils ont réclamé la limitation de cet « avantage fiscal ».

La technique du « plafonnement » concrétise cette idéologie antifamiliale. Dès lors que l’impôt est uniquement affaire d’adultes, il est logique de calculer ce que paierait le couple sans enfant, disons ISE (Impôt sans enfant), de calculer de même ce que paierait la famille selon le système du quotient familial, disons IAE (impôt avec enfants), et d’appeler « réduction d’impôt » la différence entre les deux (ISE – IAE). Le plafonnement consiste à dire que l’impôt sur le revenu ne sera pas IAE, mais ISE moins une réduction RE égale à ISE – IAE tant que ce chiffre ne dépasse pas un certain plafond P, et à P au-delà.

Accepter ce plafonnement, c’est accepter la philosophie antifamiliale dont il est l’expression logique. Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon, qui auraient eu la possibilité, quand ils étaient aux affaires, de débarrasser l’impôt sur le revenu de cette verrue disgracieuse qu’est le plafonnement de la prise en compte des enfants dans son calcul, ne l’ont pas fait. Et les trois d’entre eux qui forment le projet de devenir ou redevenir Président de la République ont au mieux inscrit dans leur programme un relèvement du « plafond ».

Cette acceptation, sans débat, du principe même du plafond, montre à quel point les ténors de la droite sont, soit contaminés par les idées de la gauche antifamiliale, soit incapables de s’élever du niveau des chiffres à celui des concepts. Le mécanisme existe depuis de nombreuses années, pourquoi se donner la peine de l’analyser, de le remettre en cause ? Certains électeurs sont mécontents ? Il suffit de leur donner une satisfaction pécuniaire en bougeant le curseur dans un sens favorable à leurs intérêts. Qu’il puisse s’agir d’une question de philosophie politique plus que d’une question de gros sous ne leur vient sans doute même pas à l’esprit. L’idéologie de « l’aide à la famille » est prégnante, elle a gangréné la droite à un point inimaginable.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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