Le climat diplomatique entre la Russie et l’Occident continue de se tendre, désormais sur fond de menaces économiques. Un nouveau front s’ouvre : celui des multinationales encore présentes en Russie, désignées comme instruments de pression ou cibles politiques, au cœur d’une stratégie assumée de confrontation.
La Russie menace désormais les entreprises occidentales restées sur place

Le 26 mai 2025, Vladimir Poutine a proféré une menace explicite contre les entreprises occidentales encore actives sur le territoire russe. S’adressant à des entrepreneurs nationaux, le président russe a déclaré : « Nous devons les étrangler. Je suis complètement d’accord, et je le dis sans hésitation », relate Europe 1.
Derrière cette déclaration, ce sont les relations entre la Russie et les puissances occidentales qui s’en trouvent à nouveau bousculées. Ce nouveau tournant pose une question politique de fond : le Kremlin cherche-t-il à instrumentaliser les acteurs économiques étrangers pour reconfigurer l’ordre géopolitique post-sanctions ?
Multinationales visées : une cible politique assumée par Moscou
Alors que l’essentiel des grandes entreprises internationales s’est retiré de Russie après l’invasion de l’Ukraine en février 2022, certaines continuent d’y exercer une activité, de manière plus ou moins visible. Les propos de Vladimir Poutine visent nommément Microsoft et Zoom, accusées de maintenir des services limités en Russie tout en adoptant une posture alignée sur les intérêts occidentaux. Dans une rhétorique inversée, le président russe justifie son attitude par la nécessité de répliquer aux mesures prises par l’Occident : « Nous devons répondre de la même manière, refléter leurs actions », a déclaré le Président russe selon Le Figaro.
L’objectif affiché : renforcer la souveraineté technologique russe, tout en neutralisant l’influence des groupes étrangers considérés comme hostiles. En désignant publiquement ces entreprises, Moscou introduit une nouvelle dimension dans la gestion diplomatique du conflit : la désignation économique comme acte politique.
Diplomatie économique inversée : Moscou renverse les termes de l’accusation
Alors que les capitales occidentales dénoncent depuis 2022 l’agression militaire de la Russie et ont adopté plusieurs trains de sanctions économiques, le Kremlin retourne l’argument : il accuse les firmes étrangères de chercher à affaiblir la Russie de l’intérieur, malgré leur présence maintenue. « Nous n’avons expulsé personne… Nous avons offert les conditions les plus favorables pour qu’ils travaillent sur notre marché, et eux, ils essaient de nous étrangler. »
La ligne du Kremlin est claire : utiliser la présence résiduelle d’entreprises occidentales pour contester le narratif de l’encerclement. Ce discours s’intègre dans une logique plus large de confrontation avec les États-Unis et l’Union européenne, dans laquelle les multinationales deviennent des objets diplomatiques.
Une doctrine émergente du Kremlin : économie et politique étrangères confondues
La déclaration du 26 mai 2025 s’inscrit dans une dynamique déjà amorcée par la Russie : l’économie devient un levier de politique étrangère. Depuis deux ans, Moscou utilise une série d’instruments administratifs et fiscaux pour contraindre les multinationales :
- Taxation spéciale à la sortie du pays.
- Vente obligatoire des actifs à prix décotés.
- Blocage de dividendes rapatriés.
Cette politique, qualifiée par plusieurs analystes de nationalisation déguisée, est désormais accompagnée d’une communication offensive : accuser les entreprises de collusion avec des puissances hostiles permet à Moscou de justifier les mesures de rétorsion tout en consolidant un discours de souveraineté.
Par ailleurs, le fonds souverain RDIF a laissé entendre qu’il recevait des marques d’intérêt de groupes occidentaux envisageant un retour en Russie. Une situation paradoxale qui fragilise la position politique des États d’origine : revenir sur le marché russe sans aval diplomatique créerait un précédent stratégique.