Nous pouvons faire le constat que la violence médiatique contre les jeunes n'a pas cessé depuis le début de la pandémie. Alors qu’une rentrée universitaire et professionnelle s’ouvre, que la sortie de la crise sanitaire semble être confirmée, il nous apparait nécessaire de déconstruire certaines perceptions négatives. Une violence médiatique domine, c’est-à-dire, forme d’importation sur les plateaux TV et dans la presse des mêmes logiques de « violence symbolique », chère à l’oeuvre intellectuelle de Bourdieu.
Une violence se voulant indirecte et pourtant bien réelle, agissante comme un ensemble des signes dont l’émission contribue à faire passer une domination sociale construite pour naturelle. Parallèlement à ce constat, nous proposons de repenser aux moyens d’inverser cette tendance, pour mieux réenchanter l’imaginaire de notre jeunesse française.
Aujourd’hui, le début de la pandémie semble loin pour les citoyens assommés par la quantité d’informations scientifiques liés à la situation et ses évolutions. On retient de ce lointain quelques représentations médiatiques, particulièrement la représentation d’un groupe en particulier : « les jeunes », retenues comme un tout. Cette violence médiatique est forme d’importation sur les plateaux TV et dans la presse des mêmes logiques de « violence symbolique », chère à l’oeuvre intellectuelle et humaine de Bourdieu. Une violence se voulant indirecte et pourtant bien réelle, agissante comme un ensemble des signes dont l’émission contribue à faire passer une domination sociale construite pour naturelle. Plusieurs vagues de « violence médiatique » se sont produites au fur et à mesure des mois, une synthèse s’impose pour reconsidérer la chose sur le temps long.
Premièrement, il était question avec insistance de « confinement et chasse aux fêtards ». Entre l’édition spéciale des chaines en continu sur la fête du nouvel an dans la périphérie de Rennes, la multiplication des articles dans la presse quotidienne régionale sur des faits divers, un choix médiatique fut mis en place. Une forme de criminalisation de tous dans un imaginaire social conflictuel, non l’évocation de quelques minorités d’individus isolés. Cette vague s’accompagne parallèlement d’une certaine invisibilisation médiatique des problèmes de santé mentale de cette population distinctive.
Deuxièmement, l’autre vague débute au moment de l’abstention aux régionales avec une abstention record de 87 % chez les 18-24 ans. Une jeunesse désengagée et méprisant la démocratie se dégage comme une nouvelle représentation médiatique. Le traitement médiatique alors plus ou moins bien intentionnée se réduisait à demander l'avis d'experts cathodiques réguliers. Voulant expliquer la raison du malaise, sans vraiment donner la parole à des représentants associatifs et politiques jeunes. Alors que les pratiques de la jeunesse dans le vote sont un simple miroir grossissant de ce que l’on observe ailleurs dans la société, la tendance abstentionniste était forte dans toutes les catégories. Isoler la population jeune avec un traitement médiatique sensationnaliste, alors que l’abstention globale était de 67% produit alors des effets de sens.
Troisièmement, nous anticipons un nouveau risque de « violence médiatique » important pouvant se transformer en une nouvelle vague durable. Celui que perdure sur le long terme au-delà de la crise la représentation médiatique de la victimisation constante de la jeunesse, comme une entité stable et autonome à notre société. Certains acteurs politiques peuvent trouver un intérêt électoraliste à cette forme victimisation, c’est en cela que le risque est tangible. Au-delà des précarités réelles et scandaleuses, des obstacles de la vie, des vraies injustices sociales ou générationnelles, l’espoir en son propre avenir doit renaitre pour chaque génération. Le fait d’enfermer une jeunesse, par nature plurielle, dans une représentation d’elle-même stéréotypé et négative n’est pas sans conséquences néfastes. Parfois, il s’agirait de ne plus réduire la jeunesse à un tout uniforme, au contraire la comprendre dans ses réalités, besoins sociaux ou attentes diverses et légitimes. Mettre en lumière au sein de reportages la jeunesse rurale, non-étudiante, celle de l’artisanat et des métiers manuels, de l’industrie, celle qui a rarement le droit à la focale des caméras dans cette période.
A présent, la sphère médiatique titre, presque surprise, que 87% de ces mêmes jeunes souhaitent participer finalement aux élections en 2022.(1) Oubliant leurs anciennes contradictions et les « commentaires de commentaires » livrés au vent. Ainsi, les préjugés de bonne presse, le sensationnalisme de certaines chaines en continu, créaient un univers médiatique pour cette jeunesse rendue globale pouvant à terme se transformer en une prison mentale. Il reste à ouvrir des portes via un traitement médiatique positif et moins stéréotypé. Ces problématiques de représentions médiatiques sont encore fortement sous-évalués en France. Alors que d’autres pays décident de porter une analyse scientifique à la hauteur de ces enjeux, comme le Canada. Par exemple, une Chaire(2) de recherche au Canada (éducation aux médias et droits humains de l’Université TÉLUQ) s’intéresse aux représentations des personnes en situation de pauvreté dans les médias. Nous devons à notre tour faire le pari de la compréhension de ces forces sociales qui agissent sur nos valeurs, sur nos simplifications d’une réalité toujours complexe.
1 https://www.franceinter.fr/politique/exclusif-presidentielle-87-des-jeunes-ont-l-intention-d-aller-voter
2 https://chaire-emdh.teluq.ca/nouveau-projet-representations-de-lassistance-sociale-quebec/