Il s’était éclipsé, presque absent du débat intérieur depuis plusieurs mois, et sa dissolution de l’Assemblée nationale qui en a surpris plus d’un. Le 13 mai 2025, Emmanuel Macron est réapparu sur le plateau de TF1, en direct, pour une émission fleuve. Trois heures de parole, de promesses, de lignes rouges. Ukraine, Gaza, dette, fin de vie, retraite, référendums…Mais derrière les formules et les effets d’annonce, que faut-il vraiment retenir ?
Macron sur TF1 : les 10 annonces à retenir de son interview du 13 mai 2025

« Rester libres » : c’est ce que Macron a écrit, seul face à la caméra, en guise de mantra. Libre de quoi ? Libre jusqu’à quand ? Pour un président dont le mandat s’effrite, l’heure était venue de reprendre la main.
Ukraine en ligne de front : Macron joue son rôle de stratège
Emmanuel Macron n’est pas revenu pour faire de la figuration. Il a occupé l’antenne pendant près de trois heures sur TF1, mardi 13 mai 2025. L’objectif ? Réimposer son tempo dans une vie politique rongée par la paralysie avec l'absence de majorité à l'Assemblée nationale. L’émission, intitulée « Les Défis de la France », était à la hauteur du chaos actuel : guerre en Ukraine, réforme des retraites, crise du logement carcéral, offensive à Gaza, avenir institutionnel, tensions nucléaires, dette abyssale, 2032 dans le viseur… Difficile de tout résumer, mais chaque déclaration du chef de l’État semblait répondre à une seule obsession : montrer qu’il tient encore les commandes.
Il commence par ce qu’il maîtrise et par le sujet où les Français lui font le plus confiance : la géopolitique. Sur l’Ukraine, il pose les limites : « Nous voulons un cessez-le-feu sur la terre, la mer et les airs pendant 30 jours », et prévient que l’Europe prendra des sanctions « dans les prochains jours » si Moscou refuse de jouer le jeu. Une rencontre au sommet pourrait avoir lieu dans les prochains jours à Istanbul, en présence de Zelensky, Poutine ou un représentant du Kremlin, et peut-être Donald Trump. Le chef de l’État l’a reconnu : des négociations sont désormais sur la table, même si les contours restent flous. « Ce qui se joue en Ukraine, c’est notre sécurité », a-t-il martelé. À Gaza, il tape fort : « Ce que fait le gouvernement de Benyamin Netanyahou est inacceptable. C’est une honte », mais refuse d’employer le mot « génocide » : « Ce n’est pas à un président de le dire ». Nuance et fermeté, voilà la ligne.
Retraites, fin de vie, référendums : Le chef de l'État garde la main, mais verrouille les issues
Pas de mea culpa. Sur les retraites, le président défend bec et ongles la réforme impopulaire de 2023 : « On ne l’a pas faite de gaîté de cœur, mais pour sauver notre système par répartition ». Il rejette tout référendum, insistant : « Chaque année, si on abroge cette réforme, on a une dizaine de milliards d’euros à retrouver ».
Sur la fin de vie, le ton change. Macron se dit favorable à la loi après un message poignant de l'ancien journaliste sportif et président du PSG Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot. Le fondateur d'En Marche évoque un texte de « fraternité » et admet que si les débats s’enlisent à l'Assemblée nationale, « le référendum peut être une voie ». Et là, coup de théâtre : il envisage une « consultation multiple » dans les mois à venir, « sur des grandes réformes économiques, éducatives ou sociales ». Le président garde l’initiative, mais ferme la porte à l’immigration ou à la proportionnelle.
Prisons, dette publique : l’heure des comptes pour Macron
Sur le terrain carcéral, Macron a reconnu un échec : sur les 15 000 places de prison promises en 2017, seules 5 000 ont été construites. Face à la surpopulation carcérale, le chef de l’État assume une solution radicale : « louer » des places de prison à l’étranger « si besoin était ». Il valide l’idée d’élargir les missions de la police municipale, et veut rapprocher les polices locales et nationales dans la lutte contre les trafics. Interpellé par Robert Ménard sur son affaire judiciaire (il a refusé de célébrer le mariage d’une Française et d’un Algérien en situation irrégulière sous le coup d’une OQTF), Macron a botté en touche sans lâcher l’élu de Béziers. Il a reconnu un « droit mal fait » et appelé à inscrire rapidement une loi sur la liberté de se marier à l’Assemblée
Sur le nucléaire, il affirme la souveraineté française : « La France ne paiera pas pour la sécurité des autres », tout en se disant prêt à discuter d’un élargissement du parapluie nucléaire. Le message est clair : autonomie, mais coopération à la carte.
Quant à la dette, Macron défend son bilan : « Le déficit a augmenté de 1,8 point avec des crises ; mes prédécesseurs l’ont fait sans crise ». Il assume le « quoi qu’il en coûte », mais n’envisage pas de serrer la vis fiscale, en rejetant une hausse de la taxation sur les héritages. Le déficit actuel de la France s'élève à 3 300 milliards, « Le pire déficit de la zone euro », accuse Agnès Verdier-Molinié sur le plateau de TF1.
Interpellé par la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, Macron a exclu toute nationalisation d’ArcelorMittal, qui prévoit de supprimer plus de 600 postes en France : « ce n’est pas une bonne utilisation de l’argent de nos compatriotes ». Il a néanmoins promis de « sauver » Dunkerque et Fos-sur-Mer via une « politique européenne » censée protéger l’acier face à la concurrence asiatique.
Une pause de 5 ans avant un retour en 2032 ?
Macron ne lâche pas ses fidèles. Il assure à son Premier ministre François Bayrou sa « confiance », malgré les remous de l’affaire Bétharram ( l est auditionné le 14 mai 2025 par la commission d’enquête sur l’affaire Bétharram). Il reste droit dans ses bottes face à Donald Trump, dénonçant une guerre commerciale « qui abîme la croissance américaine », mais admettant que l’Europe aura de moins en moins de soutien américain. Le président a reconnu l’inquiétude grandissante chez les producteurs français : le cognac, en particulier, est désormais dans le viseur des surtaxes américaines.
Interrogé sur le port du voile en compétition, Macron a tranché : « ça n’a pas sa place », a-t-il affirmé en invoquant « l’égalité entre les femmes et les hommes ». Il s’aligne sur la charte olympique, tout en laissant aux fédérations sportives le soin de gérer les pratiques hors compétition.
Enfin, la bombe. À la toute fin de l’émission, le président griffonne sur une tablette ses objectifs pour 2027. Une phrase, et une allusion à 2032. Il ne dit pas qu’il y retournera. Mais il ne dit pas non. Et ce jeu là, on le connait bien en politique.